Une divinité khmère du IX ème siècle retrouvée
Une divinité khmère du IX ème siècle retrouve sa tête à l’occasion d’un don exceptionnel
En un temps où les méfaits des pillages des temples du Cambodge sont
abondamment relatés par les médias, on se réjouira de ce don qui permet
à un chef-d’œuvre de sculpture khmère, connu de longue date, de
retrouver une partie de son intégrité.
Une divinité khmère du IX ème siècle
retrouve sa tête à l’occasion d’un
don exceptionnel, En un temps où les méfaits des pillages des temples
du Cambodge sont abondamment
relatés par les médias, on se réjouira
de ce don qui permet à un chef-d’oeuvre de sculpture
khmère, connu de longue date, de retrouver une partie
de son intégrité.
A l’occasion de ses quatre-vingts ans, l’ex-ambassadeur
des Etats-Unis d’Amérique, S .E .
John Gunther Dean, vient d’offrir au musée Guimet
une sculpture khmère d’un intérêt
considérable.
Ce don est réalisé en remerciement
du rappel fait, lors de l’exposition Trésors
d’art du Vietnam : la sculpture du Champa (automne 2005),
de son rôle dans la protection du
musée cham de Da Nang (Vietnam central), lors du conflit
américano-vietnamien.
Il s’agit d’une tête de divinité féminine
en parfait état de conservation, datable d’un
point de
vue stylistique du troisième quart du IX ème
siècle et se rattachant à l’art khmer du
style de
Preah Ko. Durant cette période, en effet, les sculpteurs
khmers réalisent des oeuvres à la
sensibilité particulière, à la fois hautaines
et majestueuses, caractérisées par d’amples
proportions.
Ainsi en est-il du visage aux traits larges inscrits
dans un carré, dont les arcades
sourcilières sont traitées en une ligne continue
et tranchante.
La coiffure délimitée au niveau
des tempes par un contour en accolade et le traitement du diadème
(sanscrit: kirita), constitué
d'un large bandeau orné de fleurons en losanges et triangles,
encadré de simples liserés
moulurés, et surmontés par une frise de fleurons
et de hampes, sont autant de caractéristiques
de cette période.
Dans le dos, cette parure est maintenue
serrée contre la chevelure par un
noeud croisé à deux pans. La coiffure, très élaborée,
est constituée de petites tresses nouées
vers le sommet du crâne et réunies en un chignon-couronne
(sanscrit : jatâmukuta), d’où
émergent les boucles régulièrement disposées.
Elles prennent la forme stylisée d'un cylindre.
Cette tête fut d’abord choisie pour des raisons
stylistiques, le musée Guimet ne possédant
aucune pièce de ce type. Contre toute attente, elle
apparaîtra, à son arrivée au musée,
comme
appartenant à une divinité féminine acéphale
entrée dans les collections du musée Guimet en
1936 et exposée depuis 1938 dans la grande salle khmère
du rez-de-chaussée Les plans de
cassure, parfaitement jointifs, ne laissent planer aucun doute.
Les deux pièces réunies
constituent le plus bel exemple, conservé à ce
jour, de statuaire féminine du règne
d'Indravarman (troisième quart du IXe siècle).
Aux alentours de 881, le roi Indravarman (r. 877-886 au moins)
fonde son temple d’État, un
temple-montagne consacré à Shiva qui offre l’aspect
d’une haute pyramide à gradins placée
au centre de la capitale : le temple de Bakong. Au pied de
la pyramide, huit sanctuaires
recevaient des images anthropomorphes, notamment de Shiva et
de ses épouses.
En 1431,
après l’abandon du site d’Angkor, la majorité des
temples khmers anciens sont abandonnés et
livrés à la forêt tropicale. Le temple
de Bakong tombe peu à peu en ruine.
Lors des travaux de dégagement et de restauration conduits
en 1935 par Maurice Glaize, alors
conservateur des monuments d’Angkor à l’École
française d’Extrême-Orient (É.F.E.O.),
différentes sculptures sont découvertes dans
ce temple. Parmi celles-ci, un corps féminin
acéphale est retrouvé dans le secteur ouest du
sanctuaire. Il fera partie des oeuvres
sélectionnées en 1936 par l’historien d’art
Philippe Stern, alors conservateur au musée
Guimet, pour être présenté à Paris.
En accord avec les autorités coloniales et l’É.F.E.O.,
un
choix représentatif d’oeuvres khmères et
cham, destinées au musée Guimet, mais dont le
départ ne nuirait pas à la qualité des
oeuvres réunies dans les nouveaux musées du Cambodge
et du Vietnam avait en effet été établi
par Stern. Ces pièces, toutes exposées à Paris,
constituent les chefs-d’oeuvre de la collection.
L’année 1939 marque la découverte d’une
tête parmi d’autres sculptures, cette fois dans
le
secteur oriental du temple. Placée en dépôt
dans les réserves de la Conservation d’Angkor,
elle est offerte à l’ambassadeur des États-Unis
d’Amérique au Cambodge, S.E. John Gunther
Dean, en 1974, en gage de gratitude pour ses multiples actions
humanitaires lors de la guerre
civile qui a ravagé le pays à la veille de la
période "Khmers rouges".